Quatre études de cas qui illustrent des pratiques exemplaires en matière de conception architecturale collaborative et de construction avec des Premières Nations | Institut royal d'architecture du Canada

Quatre études de cas qui illustrent des pratiques exemplaires en matière de conception architecturale collaborative et de construction avec des Premières Nations


Introduction et remerciements
                      
Aperçu et sommaire des pratiques exemplaires
Conclusion
Études de cas

 


Introduction et remerciements

L’Institut royal d’architecture du Canada (IRAC) a pris l’initiative de publier Quatre études de cas qui illustrent des pratiques exemplaires en matière de conception architecturale collaborative et de construction avec des Premières Nations dans la volonté d’en faire une ressource à l’intention des concepteurs, des clients, des bailleurs de fonds et des responsables des politiques.

En tant que principal porte-parole de l’excellence dans le cadre bâti, l’IRAC croit que l’architecture est une profession à caractère public qui joue un rôle important dans la réconciliation et qui répare des injustices en redonnant aux peuples autochtones la capacité d’agir.

Le document poursuit sur la lancée du Symposium international sur l’architecture et le design autochtones de l’IRAC qui s’est tenu avec grand succès le 27 mai 2017. Lors de cet événement sans précédent, des conférenciers autochtones du Canada, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et des États-Unis ont présenté des pratiques exemplaires en matière de conception collaborative avec des communautés et des clients autochtones. La conception collaborative, comme son nom l’indique, est un processus qui suppose la collaboration des architectes et de la communauté autochtone, comme cliente, à l’étape de la conception d’un projet.

Le symposium était une initiative du Groupe de travail autochtone de l’IRAC qui cherche à favoriser et à promouvoir la conception autochtone au Canada. Les membres de ce groupe de travail sont des architectes, des designers, des universitaires et des stagiaires et des étudiants en architecture autochtones et non autochtones.

Les quatre études de cas présentées ici explorent et illustrent des pratiques exemplaires, particulièrement dans le contexte de trois Premières Nations et d’une communauté inuite du Canada

Louise Atkins, une consultante d’Ottawa, a effectué la recherche et rédigé le présent document. Nous désirons remercier le ministère des Services aux Autochtones Canada qui a subventionné les études de cas, ainsi que les 15 personnes interviewées en lien avec les projets qui nous ont offert si généreusement leur temps et leurs réflexions et qui ont partagé leurs histoires inspirantes..

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Aperçu et sommaire des pratiques exemplaires

Aperçu

Les quatre études de cas examinent des pratiques exemplaires en matière de conception architecturale collaborative dans le contexte de trois Premières Nations et d’une communauté inuite du Canada. Chacune de ces études de cas porte sur un type de bâtiment particulier – une école, un centre communautaire et culturel, un centre administratif et commercial et un duplex. Ces types de bâtiments revêtiront un intérêt particulier pour les communautés des Premières Nations et des Inuits et d’autres communautés autochtones, ainsi que pour le ministère des Services aux Autochtones Canada, lorsqu’ils envisageront la conception architecturale, la construction et le financement de nouvelles installations communautaires et de nouveaux logements. 

Les réflexions sur les pratiques exemplaires de ces études de cas peuvent inspirer des communautés en plus de contribuer à l’élaboration de politiques et de pratiques de financement du gouvernement.

Sommaire des pratiques exemplaires

Des interviews ont été menées auprès d’architectes et de designers, de chefs et de leaders des communautés autochtones, de fonctionnaires autochtones, d’entrepreneurs et de représentants de sociétés de construction, de chercheurs universitaires et de bailleurs de fonds publics. Les questions posées lors de ces interviews étaient basées sur les thèmes de pratiques exemplaires traités lors du Symposium international sur l’architecture et le design autochtones de l’IRAC et sur les questions de valeur ajoutée, comme l’emploi autochtone. Les conclusions relatives aux pratiques exemplaires sont divisées en quatre groupes.

Lancement du projet

La raison d’être de chaque projet lui était propre. Dans certains cas, il s’agissait de remplacer des bâtiments. Ainsi, les Six Nations de la rivière Grand désiraient remplacer des écoles ne comptant qu’une classe et datant du début du 20e siècle. Les Splatsin te Secwepemc, quant à eux, désiraient remplacer leur « cabane en rondins » abritant un dépanneur et une boutique d’artisanat et détruite par un incendie par un bâtiment plus grand abritant un centre commercial, un marché des artisans et des bureaux. Les Premières Nations Squamish et Lil’Wat, pour leur part, ont profité des Jeux olympiques de 2010 pour créer un centre culturel qui se veut une vitrine pour montrer au monde ce qu’est leur territoire traditionnel commun de Whistler, en Colombie-Britannique. Enfin, au Nunavik, les principaux intervenants en matière de logement se sont réunis pour concevoir et construire un projet pilote de duplex et en faire le suivi pour vérifier s’il pourrait être un prototype de logement nordique durable sensible à la culture, mieux adapté au changement climatique et très éconergétique.  

Conception collaborative

La conception collaborative est un processus qui se déroule entre les architectes et la communauté autochtone cliente. Dans les quatre études de cas, les pratiques exemplaires insistaient sur l’écoute attentive des architectes pour bien comprendre la vision de la communauté et sur la collaboration étroite avec le client pendant toute la phase de conception. Les bâtiments conçus dans un tel esprit sont ancrés dans les liens qu’entretiennent les peuples autochtones avec le monde naturel et reflètent ce qui les définit en tant que peuples – leurs traditions, leur culture, leurs valeurs, leurs modes de vie et leurs aspirations.

La conception collaborative n’est pas une formule. Dans chaque étude de cas, elle a pris une forme distincte. Dans l’un des projets, l’architecte a travaillé avec un grand comité directeur formé de chefs autochtones et de représentants des parties intéressées; dans un autre projet, les aînés ont aussi participé au processus et dans un troisième, on a tenu une charrette de conception avec une diversité de locataires autochtones; enfin, dans le quatrième projet, des activités portes ouvertes communautaires ont été ajoutées au processus. Deux des bâtiments ont été conçus par des architectes autochtones et les deux autres par des architectes et des designers qui ont une vaste expérience de travail en contextes autochtones.

Dans les quatre projets, les répondants autochtones ont souligné à quel point il était important que les architectes soient bien à l’écoute de la vision de la communauté et qu’ils s’engagent dans un dialogue continu. Par un processus itératif, les architectes ont présenté des options conceptuelles et des solutions jusqu’à ce que leurs clients soient satisfaits de voir leur vision développée en un design tangible qui répond à leurs exigences fonctionnelles tout en témoignant de leurs valeurs, de leur culture, de leurs traditions, de leurs modes de vie et de leurs aspirations.

Les designs ont fait référence à des formes de bâtiment ancestrales et à la vénération que portent les peuples autochtones au monde naturel et à la relation qu’ils entretiennent avec celui-ci. Les bâtiments ont tous été bien intégrés à leurs environnements naturels et pour la plupart d’entre eux, on a utilisé des matériaux traditionnels, surtout du bois. L’économie d’énergie a été optimisée dans tous les projets, que ce soit par divers moyens mécaniques, par l’isolation, par des techniques de conception qui tirent parti du chauffage et du refroidissement naturels ou par des systèmes de circulation d’air.

Une autre caractéristique importante des bâtiments, c’est qu’ils tirent le meilleur parti du site, de l’orientation et de la lumière naturelle. Dans le respect des traditions des Haudenosaunee, l’école Emily C. General est orientée vers les points cardinaux et suit le parcours du soleil pendant toute la journée et au fil des saisons. Dans le respect des traditions Squamish et Lil’Wat, les entrées du centre culturel donnent sur l’Est. Pour le projet pilote de duplex au Nunavik, les entrées réversibles sont une innovation architecturale qui permet l’emplacement optimal de chaque maison pour profiter du gain solaire et éclairer les espaces intérieurs.

Les architectes et designers et leurs clients ont aménagé soigneusement les espaces intérieurs; ils ont commandé des installations à des artistes et ils ont ajouté des artéfacts historiques et contemporains pour exprimer les cultures et faciliter les pratiques et l’enseignement traditionnels.

Par exemple, les visiteurs du Centre Quilakwa et les membres de la bande peuvent s’assoir ensemble et savourer leur café Tim Hortons au milieu de poutres et de poteaux massifs sculptés avec des images d’aigles à tête blanche, de saumon, de poisson et d’autres scènes de la vie traditionnelle des Splatsin.

Construction

Chaque communauté a adopté une approche pratique à la construction des bâtiments. Les communautés autochtones ont fait preuve d’une forte capacité de supervision et de gestion de projets. Des firmes de construction autochtones et des entreprises qui emploient des travailleurs autochtones qualifiés dans divers corps de métiers ont construit une grande partie des projets. Les dirigeants sont restés impliqués et ont engagé les ressources nécessaires à l’achèvement des projets. Ces pratiques exemplaires pourraient être énoncées dans des lignes directrices permettant aux Premières Nations subventionnaires de reconnaître et d’évaluer les capacités et de laisser le contrôle des projets d’immobilisations aux Premières Nations qualifiées.  

Les comités directeurs ont continué de jouer un rôle de surveillance important, d’orienter le développement des projets, et de se concerter avec les architectes, les designers et les gérants de construction pendant toute l’exécution des projets et jusqu’à leur achèvement. 

Ces bâtiments et installations ont été construits par des Autochtones. La gérance des projets et la plupart des travaux ont été effectués par des entreprises qui appartiennent à des Autochtones ou qui emploient des ouvriers autochtones locaux, ce qui illustre des pratiques exemplaires en matière d’emploi et de développement des compétences, tout en suscitant une fierté du travail accompli et un sentiment que le bâtiment construit appartient à la communauté. Dans tous les cas, ces bâtiments sont très appréciés des résidents des communautés autochtones et ils sont bien entretenus au fil du temps.

Les chefs des Premières Nations interviewés pour les études de cas sont d’avis que les organismes de financement devraient évaluer objectivement les communautés qui ont fait leurs preuves et qui ont réalisé des projets de construction dans le respect des devis, des échéanciers et des budgets et qu’ils devraient laisser le contrôle de tous les aspects de leurs projets de bâtiments à ces Premières Nations.   

Dans deux des projets étudiés, les Premières Nations étaient un important, voire le seul bailleur de fonds de leurs bâtiments. Le Centre Quilakwa a été entièrement autofinancé par la Première Nation Splatsin avec les fonds provenant de l’assurance, des fonds détenus en fiducie et un emprunt. Les grands complexes culturels coûtent cher à construire et malgré les contributions de tous les ordres de gouvernement et du secteur privé, il manquait encore beaucoup de fonds pour construire le Centre culturel Squamish Lil’Wat. Ces deux Premières Nations ont contribué à même les ressources de leurs bandes et ont utilisé leur savoir-faire pour assurer la réalisation de leur projet.   

Dans les quatre cas, les dirigeants autochtones étaient déterminés à ce que leurs projets traduisent l’identité communautaire et deviennent une base de réhabilitation culturelle et de croissance.

Résultats

Les répondants autochtones ont tous senti que l’impact de leurs bâtiments conçus en collaboration était important et que les résultats étaient positifs et de grande portée. Ils ont apprécié le rôle joué par le processus de conception architecturale collaborative dans la création de bâtiments qui résonnent au sein de la communauté et dont la valeur sera durable. Les innovations architecturales de ces bâtiments ont depuis lors été appliquées plus largement à d’autres projets.

Écoles

Plus de 20 ans après leur construction, les écoles primaires IL Thomas et Emily C. General des Six Nations de la rivière Grand continuent d’offrir des milieux d’enseignement favorables à l’apprentissage et des espaces communautaires utiles et elles sont bien entretenues. Les enfants sont conscients que leurs grands-parents et leurs oncles et tantes ont construit les écoles et ils en sont fiers. Les écoles ne sont pas vandalisées. Le processus de conception collaborative avec l’architecte autochtone et gérant de projet Brian Porter a permis aux membres du comité directeur d’acquérir des connaissances sur les processus de conception et de construction qu’ils ont depuis appliquées à une douzaine d’autres projets. Les membres des Six Nations maintiennent leur tradition de bâtisseurs et d’ouvriers spécialisés compétents et respectés qui travaillent dans leurs communautés tout autant que dans d’autres Premières Nations et dans plusieurs villes d’importance en Amérique du Nord. Lire l'étude de cas

Centre Culturel

Pour le Centre culturel Squamish Lil’Wat de Whistler (C.-B.), les deux Premières Nations ont retenu les services d’un architecte autochtone, Alfred Waugh. Leur objectif était de confier le mandat de ce projet complexe et d’envergure à un architecte autochtone pour lui donner l’occasion d’acquérir de l’expérience, d’innover et de devenir un modèle de rôle pour les jeunes Autochtones. Aujourd’hui, le Centre culturel Squamish Lil’Wat est une vitrine spectaculaire pour les deux cultures et il accueille des visiteurs de partout dans le monde. Il inspire la compréhension et le respect mutuel entre les gens. De plus, il préserve et transmet l’architecture, les connaissances traditionnelles, la culture et les enseignements spirituels à travers les générations. Les jeunes ambassadeurs autochtones qui travaillent au centre poursuivent de bonnes carrières dans les industries du tourisme et de l’hôtellerie.

Il y a toutefois d’autres résultats de plus grande portée. Ainsi, après la construction du centre culturel, la Nation Squamish a créé une grande école de métiers autochtone. Le centre culturel a approfondi les liens entre les tribus Squamish et Lil’Wat qui entreprennent maintenant des nouveaux projets conjoints. L’architecte Alfred Wahgh a quant à lui adopté certaines innovations de ce projet à d’autres projets qu’il a réalisés ultérieurement. Lire l'étude de cas

Centre administratif et commercial

Le Centre Quilakwa, situé sur l’autoroute 97A dans la région de l’intérieur de la Colombie-Britannique, attire de nombreux touristes et voyageurs. Avec un restaurant Tim Hortons, un dépanneur, une boutique d’artisanat et une station-service, la Corporation de développement Splatsin a doublé le nombre d’employés du commerce du détail et la masse salariale. Comme les ventes d’objets artisanaux ont considérablement augmenté dans les nouveaux espaces, la fabrication de paniers traditionnels et le perlage sont florissants et de nouvelles formes d’art se développent. Les visiteurs aiment ce bâtiment unique qui présente la culture, l’histoire et les arts des Splatsin en plus de témoigner de leur sens des affaires. C’est un lieu de rencontre prisé par les occupants de la réserve et les citoyens de la municipalité voisine d’Enderby. Il renforce les liens entre les deux communautés. Lire l'étude de cas

Logement

Au Nunavik, les modes de vie traditionnels sont des signes importants de l’identité et des vecteurs de bien-être. Les locataires des logements du projet pilote de duplex du Nunavik se sont déclarés très satisfaits de leur confort physique et ils apprécient que leurs logements favorisent l’exercice de leurs pratiques culturelles. Ainsi, grâce aux deux porches, un chaud et un froid, à la grande cuisine pouvant facilement être aménagée différemment, et au séjour, un chasseur et sa famille peuvent entreposer l’équipement de chasse et le gibier en toute sécurité et organiser des festins traditionnels où tous mangent assis au sol. L’autre logement, occupé par une mère et sa fille adulte, offre un environnement idéal pour coudre des mitaines et des bottes à la lumière du jour grâce aux fenêtres qui donnent sur le sud, et pour entreposer les peaux de phoque sur leur balcon extérieur, hors de la portée des animaux. Pour ce projet pilote, l’architecte Alain Fournir a conçu des entrées réversibles – une réelle innovation qui permet d’optimiser l’emplacement de chaque maison pour profiter le plus possible du gain solaire. Comme il s’agit d’un prototype, ce duplex fait l’objet d’un suivi sur les plans de sa performance physique et socioculturelle, une pratique exemplaire qui contribuera à la conception de logements nordiques durables. Lire l'étude de cas

 

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Conclusion

Ces quatre études de cas illustrent que grâce à une approche de conception collaborative, les architectes ont réussi à concrétiser les visions, les idées et les préférences de leurs clients autochtones dans des bâtiments qui résonnent au sein de leurs communautés et qui sont techniquement solides. Ces projets de conception et de construction reflètent l’identité autochtone et deviennent une base de la réhabilitation culturelle et de la croissance. En ce sens, l’architecture a un rôle important à jouer pour redonner aux peuples autochtones la capacité d’agir et pour promouvoir leurs aspirations. 

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Études de cas :

 

Étude ce cas 1 : Écoles d’une Première Nation
École primaire Emily C. General et école primaire IL Thomas
Six Nations de la rivière Grand, Ontario
Architecte : Brian Porter, MRAIC

Étude de cas 2 : Centre culturel de Premières Nations
Centre culturel Squamish Lil’Wat
Premières Nations Squamish et Lil’Wat, Colombie-Britannique
Architecte : Alfred Waugh, MRAIC

Étude de cas 3 : Centre administratif et commercial d’une Première Nation
Centre Quilakwa
Première Nation Splatsin te Secwepemc, Colombie-Britannique
Architecte : Norman Goddard
Designer : Kevin Halchuk

Étude de cas 4 : Logement pour les Inuits
Projet pilote d’un duplex au Nunavik
Quaqtaq, Nunavik,Québec
Architecte : Alain Fournier, FIRAC

 

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Cette étude a été subventionnée par le ministère des Services aux Autochtones Canada.

Vous trouverez de l’information sur le Groupe de travail autochtone de l’Institut royal d’architecture du Canada et ses membres ici.